dimanche 3 septembre 2017

La grammaire de Rimbaud et le revolver de Verlaine, par Jacques Bienvenu (mis à jour le 21 septembre)



Un supplément dactylographié à l’exposition Rimbaud de la Bibliothèque nationale en 1954 réserve une surprise. Après la mention de la grammaire de Rimbaud on y voit que le revolver de Verlaine y était exposé !

Cet objet mythique appartenait à Lise Deharme (la bien nommée en l’occurrence). Elle avait été avec Valentine Hugo l’une des muses du mouvement surréaliste. Elle habitait le premier étage d’un immeuble situé en face des Invalides. Son appartement était rempli de meubles curieux et d’objets rares et elle y exposait fièrement le revolver avec lequel Verlaine avait tiré sur Rimbaud comme en témoigne notamment Marcel Schneider dans son livre « Il faut laisser maisons et jardins » édité chez Grasset en 2009.

Il se trouve que tout récemment, le documentaire de la chaîne Arte Au fil des enchères  du dimanche 27 Août dernier était consacré à la vente du revolver de Verlaine réalisée chez Christie’s  le 30 novembre 2016. Ce documentaire a été à nouveau diffusé le lundi 4 septembre.On peut en voir deux extraits.

On reste perplexe après la vision de l’histoire de cette vente. On y découvre la personnalité du vendeur qui évoque la façon dont il a découvert le poète Verlaine après la diffusion du film Total Eclipse, film qu’il aurait vu, selon ses dires en 2012, alors même qu’il avait déjà prêté le fameux revolver en 2004 à l’exposition « Arthur Rimbaud, Une saison en enfer » du palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Bernard Bousmanne, le conservateur de la Bibliothèque royale de Belgique, que l’on voit longuement et qui a assisté à la vente ne nous convainc pas quand il explique que l’autorité judiciaire a rendu le revolver à l’armurier en lui disant de bien le conserver, car c’était une pièce à  conviction. On évoque à un moment le problème du numéro de série de l’arme qui nous dit-on ne figure nulle part dans le dossier judiciaire.


Mais cette question essentielle est escamotée, alors qu’il y a quelques années le fameux registre, aujourd’hui introuvable, était avancé comme une preuve à rechercher. On se contente de donner la preuve de l’authenticité du revolver qui se fonde sur une expertise balistique montrant que ce revolver n’avait tiré que deux balles et que l’une des balles n’aurait pas été en mesure de transpercer le poignet de Rimbaud.

Dix ans avant la vente du revolver, Bernard Bousmanne avait déjà exposé toute l’affaire et notamment les expertises balistiques dans son beau livre : Reviens, reviens, cher ami, Calmann-Levy, 2006. Mais il y écrivait (p. 153) qu’il manquait « la preuve indiscutable » : l’étiquette avec le numéro d’inscription et le registre de vente à l’armurier qui n’ont jamais été retrouvés. Bernard Bousmanne concluait : « il faudra chercher encore ». Le problème est que dix ans après on n’avait toujours rien trouvé mais on a jugé bon de se passer de ces preuves indiscutables.

Nous voilà donc  avec deux revolvers. Quel est le bon ? 

La grammaire de Rimbaud nous semble, à vrai dire, un document bien plus précieux et important que le revolver de Verlaine. Feu Jean-Jacques Lefrère écrivait dans sa biographie de Rimbaud (p. 16) que l’exemplaire se trouvait au musée Rimbaud de Charleville ce qui n’est pas exact et c’est dommage, car les chercheurs auraient pu le consulter. Nous allons cependant continuer à parler de ce livre exceptionnel dans la suite de notre dossier Solde.

Je remercie Olivier Bivort de m’avoir communiqué le supplément dactylographié de l’exposition Rimbaud de 1954. Lors des recherches que j’effectuais à propos de la grammaire, je ne m’attendais certes pas à y voir ressurgir le revolver de Verlaine !


Mise à jour le 7 septembre 
Exposition Baudelaire-Bruxelles : Voir cette vidéo

Mise à jour le 21 septembre. Au fil des enchères sur le révolver de Verlaine repasse ce jour sur Arte et sera probablement visible plusieurs jours après.

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