mercredi 3 octobre 2012

Publications réactualisées, par Claude Jeancolas



LES MANUSCRITS DE RIMBAUD
Par Claude Jeancolas
Textuel. 49 euros


            Avec la disparition de Pierre Berès, libraire d’exception et collectionneur secret, les derniers manuscrits de Rimbaud sortirent de l’ombre. Ce fait méritait de revoir notre édition des manuscrits de Rimbaud et de réaliser cette fois plus qu’une mise à jour. Avec Textuel, nous avons réalisé un travail de fond.
            Cette fois c’est un seul volume. Les pages de droite sont réservées aux fac-similés, les pages de gauche aux transcriptions et commentaires. Sur le texte même chaque retouche, remord, modification a été examiné à la loupe sur l’original. Ainsi peut-on suivre l’esprit de Rimbaud en permanence au travail avec un souci constant de perfection et d’amélioration de son texte : fascination de suivre le processus de création. Sur les manuscrits on apprend la forme physique, format, papier, couleur de l’encre, pliures…mais aussi l’histoire de leurs  cheminements des mains de Rimbaud les offrant à ses amis à la première publication et à aujourd’hui. Dans le cours de ces transmissions obscures, il arrive qu’un manuscrit paraisse lors d’une vente aux enchères, alors nous l’avons signalé et indiqué les prix d’adjudication. Car aujourd’hui il ne faut pas se cacher la vue, ces feuillets si rares et précieux atteignent des sommets vertigineux, d’ou aussi les luttes acharnées entre collectionneurs amoureux de Rimbaud et investisseurs.
            Hors Une saison en enfer cette publication compte plus de 95% de l’œuvre du poète, c’est donc bien tout Rimbaud que nous avons réuni. A chaque fois que différentes versions d’un poème existe nous avons publié les variantes ce qui permet de mesurer les progressions continuelles que veut le poète. Nous avons même joint la Notice sur l’Ogadine dont le manuscrit est publié pour la première fois, car nous l’avons considéré comme un prototype de la nouvelle œuvre en projet. Rimbaud à Harar envisage d’écrire des ouvrages de géographie.
            Cette réunion, la plus complète jamais publiée nous a conduit à nous interroger sur l’écriture de Rimbaud et ce qu’elle nous dit de l’homme. Un chapitre reprend certaines analyses graphologiques du passé et les confronte à celles que nous avons spécialement entreprises aujourd’hui en particulier sur la Notice sur l’Ogadine. Comprendre Rimbaud et s’émouvoir de son humanité profonde, telle est bien l’objet de toutes mes recherches. ici, il est clairement exprimé que l’homme d’Afrique, plus mûr certes, est bien le même que le jeune homme de la bohème parisienne.
            Dans ce livre, par la communication directe de l’écriture, sans l’obstacle de la typographie, sa poésie nous semble une confidence, de l’âme pour l’âme, passage d’émotion pure.


RIMBAUD
Par Claude Jeancolas
Flammarion
Collection grandes biographies
25 euros

            Cette biographie publiée il y a près de 20 ans était-elle devenue obsolète ? Non. Cent vingt ans après sa disparition, on peut affirmer que le temps des grandes découvertes sur la biographie d’Arthur Rimbaud est révolu. Les repères de cette vie-là ne changeront plus. Les zones d’ombre garderont leur mystère. La dernière correction importante fut, il y a plus de quarante ans, l’assurance  qu’il n’avait pas été marchand d’esclaves comme certains l’avaient cru. Rien de neuf donc ? Si, quelques précisions, détails procurés par la résurgence de reliques rares et marginales qui enflamment les médias, preuve de la place importante de Rimbaud dans la culture contemporaine et dont je liste les principales en conclusion. Les vrais changements viennent plutôt de notre regard sur son œuvre et sur sa vie. Nous ne le voyons plus comme les générations qui nous ont précédées. A une reconnaissance trop lente avait succédé une explosion de notoriété qui avait permis tous les excès d’appropriation. Certaines idées préconçues, certains clichés encombrent encore notre approche. Au biographe de rappeler les caractères essentiels de la personnalité d’Arthur Rimbaud : ils contribuent à comprendre tant son œuvre que sa vie et nous le rendent plus proche, très humain. C’est ce que j’ai voulu dans le chapitre supplémentaire de cette nouvelle publication. Voici quelques points  que je développe dans ce texte nouveau :
            1. La mère était un atroce personnage ? La daromphe, la bouche d’ombre, aussi inflexible que soixante quinze administrations à casquettes de plomb, la mère Rimbe…Surnoms et dérisions ; l’adolescent Rimbaud n’était pas tendre avec sa mère. L’image s’installa d’une mère odieuse, pingre, bigote… qui avait été un obstacle à l’épanouissement du génie de son fils. Or cette mère fut essentielle à la construction psychologique d’Arthur ; elle aura été même le seul point d’ancrage affectif de sa vie ; elle lui a transmis la solidité physique et morale qui le sauverait des épreuves et des chutes, et de la plus grave d’entre elles, le renoncement à la poésie. Il est le fils préféré. Entre eux une histoire d’amour qui ne se dément pas avec les années.
            2. Il a détesté l’Afrique ? Les lettres d’Afrique, hors celles de commerce, nous semblent des confidences sur sa vraie vie et son humeur et nous les prenons à la lettre. Ce ne sont que lamentations, jérémiades : la vie est dure, le climat grincheux, la nourriture infâme, les Africains fourbes et paresseux, les affaires désastreuses… On se met à le plaindre ; on croit qu’il a détesté l’Afrique, un enfer. Erreur. Il menace continuellement de partir ailleurs, et c’est bien dans sa nature.  Il a les moyens financiers et rien ne l’empêche de partir sous les palmes de Zanzibar ou ailleurs. Il ne part pas. Il est trop accroché à cette terre rude. Il aima l’Afrique et sur son lit de mourant ne songeait qu’à y retourner.
            3. Y aurait-il deux Rimbaud ? L’approche superficielle de cette vie fait croire à deux vies, divisées par le renoncement à la poésie, immiscibles, caricaturalement inconciliables : le poète et le marchand d’armes. C’est pourtant bien le même homme et la même vie. Non seulement les passerelles sont nombreuses entre les deux âges, mais les fondements et les valeurs sont les mêmes. Il y a seulement changement d’apparence, d’outils, de mode d’expression, mais pas d’aspirations. Il y a volonté de vivre, d’assumer son destin.
            4. Rimbaud athée ? Impossible : la quête spirituelle est une caractéristique permanente chez Rimbaud. La recherche du salut ne va pas sans révoltes contre toute institution qui voudrait l’embrigader, ou le forcer à des agenouillements et des soumissions. Mais il veut la liberté dans le salut. Il exige la liberté de l’individu. Si Dieu existe, s’il aime ses créatures, il ne peut les vouloir esclaves. Alors il rejette l’Eglise, les prêtres, le Christ même fondateur de cette Eglise des principes et des règles. Tout le débat sur la « conversion » finale est vain. Il est chrétien par son baptême, de manière indélébile. Il reste un être tourmenté par son salut, même s’il ne l’écrit plus. Quant à une réconciliation finale avec l’Eglise, il ne faut pas trop y compter.
            5. Le goût de la liberté irrigue cette vie et l’unifie. Rimbaud n’est heureux que libre. Et être libre c’est partir pour l’inconnu, élargie son espace de vie, fuir l’ennui, l’enracinement, l’ankylose de l’esprit comme du corps.
             6. Le grand risque, la pire des hantises de cette vie : l’ennui. Le répétitif, le statique, l’immobile, le satisfait, voilà ce qu’il fuit. Le remède à ce mal d’être Arthur le connaît bien : partir, au moins rêver de partir.
            7 Un physique solide, loin de la vision de l’éphèbe fragile. Au service de ces exigences de départs, de voyages, de découvertes, Rimbaud jouit d’un corps solide. Il est grand pour l’époque, 1,79 m ; il est maigre mais musclé.
            8. Un autre trait de ce caractère, lié aux précédents : l’impatience. Rimbaud exige tout, tout de suite. Son intelligence vive, sa nervosité naturelle avivent ses hâtes. Dès qu’il maîtrise une technique d’écriture, le poète de quinze ans en change. Il file sur les étapes. En Afrique, il s’énerve vite : les lenteurs des administrations, des employeurs, des employés… le font sortir de ses gonds. Mgr Taurin avait pourtant prévenu Alfred Bardey : « soyez patients avec eux ; dans ces pays africains l’impatience, ce qu’on appelle la « fièvre française » gâte tout.» Lui s’agite, s’énerve, et se libère de ces contrariétés dans les lettres à sa mère, exutoires aux tensions trop fortes.
            9. Une permanence de cette vie : une solitude immense. Le livre refermé, l’anecdotique estompé, l’œuvre mise à part et reconnue comme un chef-d’œuvre universel, quelle image reste-t-il de cette vie d’homme ? D’abord qu’elle fut librement choisie et déterminée. Arthur Rimbaud s’est reconnu poète, a tout sacrifié à cette poésie contre vents et marées, contre les obstacles, contre les résistances d’une mère. Arthur Rimbaud a décidé seul de renoncer à cette poésie quand il a considéré qu’elle était impuissante à combler ses désirs. Volonté terrible, courage de cette « amputation », mais aussi preuve de l’extrême liberté, celle de renoncer à son propre génie. Le prix à payer , une solitude totale, cinq années d’errances c’est-à-dire de doutes et de malaise. Cette force de caractère nous frappe et aussitôt après, conséquence directe, la solitude qui l’entoure, en permanence. Pourquoi cette solitude ? Le goût de la liberté, le refus de s’attacher, la peur peut-être aussi, l’intelligence et la vision supérieure, le refus de la vie ordinaire. Il est  intransigeant, sans concession, quand la vie, l’amour même, supposent beaucoup de compromis. Nous reste cette image d’Arthur Rimbaud debout, le regard portant loin, et seul, terriblement seul. Notre reconnaissance pour son œuvre, ne peut oublier le prix payé, et la solitude de cette vie renforce notre affection.

LE NOUVEAU DICTIONNAIRE RIMBAUD
Par Claude Jeancolas
Editions FVW. 29 euros

            Ce dictionnaire était paru il y a 20 ans et était devenu introuvable. Le voici enrichi et désormais riche de 1200 mots. Ce dictionnaire est fort différent des dictionnaires habituels sur les écrivains ou les artistes. Il n’est pas une suite de commentaires subjectifs ou « scientifiques » sur l’œuvre ou la vie du sujet. Il est objectif : toutes les définitions sont reprises des dictionnaires du XIXeme siècle, ceux que connaissait et utilisait Rimbaud. Les mots comme les langues évoluent et changent de sens. La magie de Rimbaud, son génie, tient à ce que ses poèmes, malgré ces évolutions, ne sont pas devenus désuets. Ils ont pris un autre sens et beaucoup ne correspondent plus à son désir initial. Ce dictionnaire a pour objectif de retrouver les sens originaux, ceux que Rimbaud avait voulu. Il s’agit donc de comprendre sa création au plus près de la vérité. A ce vocabulaire de Rimbaud j’ai ajouté les définitions des lieux où il a vécu par des observateurs de l’époque et les biographies de  ses amis ou relations. Et pour rendre plus facile la lecture des lettres d’Afrique j’ai aussi joint les traductions des mots amhariques qu’il utilisa.
            Ce livre est un outil passionnant, une mine de renseignements, à garder à porter de main dès qu’on veut lire Rimbaud ou mieux comprendre sa vie.

                                                                                                Claude Jeancolas




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