vendredi 24 mars 2017

Compte rendu du colloque "Les saisons de Rimbaud", par Jacques Bienvenu

Jacques Bienvenu, Romain Jalabert, Andrea Schellino, Michel Murat. DR.

Le colloque « Les saisons de Rimbaud » qui s’est déroulé les 16 et 17 mars à la Maison de la recherche à Paris a été pour les rimbaldiens, à plus d’un titre, un événement considérable.

Michel Murat, dans une belle introduction de cette manifestation, posait la question de savoir s’il serait possible, après tant d’études, publications, de commentaires, de trouver encore du nouveau sur Rimbaud. Les  deux jours que nous avons vécus à Paris marquent précisément, à mon sens, un nouveau départ de la critique rimbaldienne. 

Michel Murat. DR.

La première originalité de ce colloque est d’avoir donné la parole à des non-universitaires. Pour commencer, on citera Alain Tourneux. Après trente-cinq années passées au musée Rimbaud, il est le nouveau président des Amis de Rimbaud et aussi le directeur de la revue Rimbaud vivant qui renait de ses cendres et qui sera, nous l’espérons, l’organe de ce renouveau critique. J’appelle les chercheurs à y participer. Jean-Baptiste Baronian, maître d’œuvre du Dictionnaire Rimbaud, mais aussi écrivain, a donné l’une des communications les plus riches du colloque. Pour ma part, je me suis exprimé dans une intervention sur un témoin du poète. 

La seconde originalité de cette manifestation est d’avoir invité des universitaires qui ne sont pas des spécialistes de Rimbaud. Dans cet ordre d’idées, on retiendra la prestigieuse intervention d’Antoine Compagnon professeur au Collège de France. Eric Marty, spécialiste de Proust, a pu développer des idées originales sur le poète des illuminations.Toujours pour les non-spécialistes, Didier Alexandre a analysé les possibilités de recherches numériques de la Bibliothèque nationale qui montrent notamment la croissance constante des publications rimbaldiennes au fil du temps.

David Ducoffre. DR.

À présent, il faut parler des nouveaux spécialistes de Rimbaud. Peut-on parler d’une relève ? Les jeunes chercheurs pourront-ils apporter autant que les « vieux de la vielle » ? Eh bien, on en est convaincu quand on a écouté les communications de Romain Jalabert, Andréa Schellino, Aurélia Cervoni qui ont su, images à l’appui, analyser des documents et en tirer de fascinantes conclusions. Parmi les jeunes, il faudra compter avec Adrien Cavallaro qui est un vrai spécialiste de Rimbaud et dont la communication nous a séduits. David Ducoffre, qui a publié de nombreux articles sur ce blog, a fait une intervention sur l’Album zutique dont il est incontestablement le meilleur connaisseur actuel. Parmi « les vieux de la vieille », il faut citer  Yves Reboul qui a su replacer Rimbaud dans son temps et les organisateurs du colloque qui ont  présidé leurs séances et qui ont animé les débats nombreux et riches. On a beaucoup apprécié la présence et la communication de Jean-Luc Steinmetz, personnage considérable de la recherche rimbaldienne.

Dominique Combe, Jean-Luc Steinmetz, Olivier Bivort. DR.

Enfin, il faut signaler la parfaite organisation, l’absence d’incident même minime, la grande courtoisie des intervenants. Toutes les communications ont été de qualité et il faudrait citer ici l’ensemble des participants. On comprendra  que la manifestation « Les saisons de Rimbaud » est une réussite remarquable. Il faut en remercier les quatre organisateurs, Olivier Bivort, André Guyaux, Michel Murat et Yoshikazu Nakaji qui ont su mener  à bien ce projet. Des actes seront publiés et on mesurera à ce moment l’importance des « saisons de Rimbaud ».

Fin de séance. DR.

Note concernant Alain Tourneux :  la presse rend compte en ce moment du rôle qu’il a joué pour l’achat de la maison de Roche par Patti Smith. Précisons que cette maison n’est pas celle de Madame Rimbaud dont il ne reste qu’un mur. Voir par exemple sur le site observer : « The president of the International Association of Friends of Arthur Rimbaud, Alain Tourneux, personally contacted Smith, knowing she might be interested in maintaining the historic house, Artnet said. »

dimanche 19 mars 2017

Du nouveau sur Rimbaud ? par Michel Murat

Trois au moins des organisateurs du colloque « Les saisons de Rimbaud » peuvent se reconnaître dans cette expression de l’Album Zutique : « les vieux de la vieille ». Au moment d’ouvrir une saison nouvelle, il faut bien que l’un d’eux se penche sur la période d’une trentaine d’années qui vient de s’écouler. Qu’y a-t-il eu de nouveau sur Rimbaud, et que peut-on encore attendre de nouveau, « idées et formes » ?

1. Edition
L’édition de la Pléiade par André Guyaux, annoncée depuis longtemps, a paru en 2009. Elle a donné lieu au moment de sa parution à une polémique qui, avec le recul du temps, semble assez vaine. Il est clair maintenant qu’elle marque un point d’équilibre, et qu’elle s’est imposée comme édition de référence : retour à la tradition éditoriale, sûreté de l’information, modestie du commentaire. Elle a en outre l’avantage – grâce aux contraintes imposées par l’éditeur ? – d’offrir un volume maniable.
Cette édition s’est imposée d’autant plus nettement que la publication des Œuvres complètes par Steve Murphy chez Champion s’est arrêtée au milieu du gué, après la parution du remarquable volume des Poésies en édition pluriversionnelle, complétée par un volume de fac-similés. Il manque encore les pièces maîtresses que sont la Saison et les Illuminations : on ne peut que former des vœux pour que l’entreprise soit menée à bien.

2. Erudition
L’érudition rimbaldienne a de beaux jours derrière elle, et on est en droit de penser qu’elle a aussi de beaux jours devant elle. Ses domaines privilégiés sont connus. Il s’agit en particulier de la formation scolaire de Rimbaud, encore trop peu explorée ; des témoins et des « amis », sur lesquels nous savons souvent peu de chose (ainsi Izambard, Demeny, Forain) ; des poètes « modernes », petits parnassiens et autres, dont l’œuvre reste à lire ; des exilés de la Commune que Rimbaud et Verlaine ont fréquentés à Londres. Les travaux récents de Jacques Bienvenu sur Maurice Bouchor, de David Ducoffre sur Amédée Pommier, montrent que le champ est loin d’être épuisé.
Cependant la plupart de ces trouvailles concernent Rimbaud dans son rôle de « diable au milieu des docteurs », à la fois en pleine littérature et quelque peu en marge de celle-ci. C’est pourquoi la découverte majeure de cette période reste la version de « Mémoire » intitulée « Famille maudite » et placée sous le signe d’Edgar Poe – une référence rarement avancée et dont l’importance n’échappe à personne. Elle montre, sans qu’on puisse présumer de l’avenir, que les collections privées n’ont sans doute pas encore livré tous leurs secrets.

3. Le débat critique
Pendant une longue période le débat a été dominé par la querelle entre partisans de ce qu’on peut appeler une approche internaliste, esthétique et textuelle, et ceux d’une approche externaliste, idéologique et politique. Les deux, strictement entendues, ont montré leurs limites ; on a constaté en particulier, ce qui était prévisible, que la pertinence de l’approche idéologique s’affaiblissait après 1872, et qu’elle était impuissante à fournir pour les Illuminations la clé d’une lecture systématique. De part et d’autre, il semble que les arguments les plus recevables aient été entendus ; on le constate dans l’édition de la Pléiade par André Guyaux, ou dans les travaux récents de Yoshikazu Nakaji sur Une saison en enfer.
Il est d’autre part remarquable que les œuvres de Rimbaud et de Verlaine, longtemps considérées isolément, soient maintenant comprises ensemble, et que les rapports entre les œuvres de 1872, les copies réciproques, ainsi que les poèmes plus tardifs de Verlaine soient en quelque sorte incorporés au corpus rimbaldien. Les travaux d’Olivier Bivort y ont grandement contribué, et la parution toute récente d’un volume de la collection Quarto réunissant les deux auteurs en un « concert d’enfers » apporte à cette idée une consécration publique.
En revanche le livre d’Eddy Breuil, Du Nouveau chez Rimbaud (Champion, 2014), n’a donné lieu à aucun débat, alors que les médias ont accueilli avec gourmandise cette thèse révisionniste, qui attribue à Germain Nouveau des Illuminations dont Rimbaud n’aurait été que le copiste. Un sociologue mal intentionné dirait sans doute que les rimbaldiens n’ont pas voulu ruiner leur fond de commerce. Mais en réalité le livre, qui repose sur une pratique systématique du soupçon, fait bon marché non seulement du silence de Nouveau, mais de la parole de Verlaine – en dépit de ses imprécisions ; et surtout les rimbaldiens, en tant que lecteurs, sont convaincus à la fois de la solidarité profonde entre les membres du poète, si disjoints soient-ils, et de l’incapacité de l’auteur des Valentines à écrire des textes comme « Barbare » ou « Génie ». Ils ont considéré, sans preuve mais avec raison, que jamais Breton ou Gracq, qui connaissaient et aimaient les deux poètes, n’auraient donné dans ce panneau ; et ils n’ont pas jugé qu’une réfutation fût nécessaire.

4. Les saisons
Selon les moments, l’intérêt des chercheurs s’est porté tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre des pièces majeures de l’œuvre. Les Poésies et Une saison en enfer ont bénéficié du programme d’agrégation (2010). Cette circonstance a été surtout favorable pour la Saison, car l’intérêt pour les Poésies avait été nourri par les apports de l’érudition, et par les discussions sur l’engagement communard. Yoshikazu Nakaji a eu l’occasion de revenir sur son livre de 1987 et d’y apporter des compléments importants : ses travaux font toujours référence ; ceux de Yann Frémy, malgré leur intérêt, n’ont pas apporté de renouvellement décisif.
En revanche les Illuminations sont un peu délaissées, après avoir été longtemps au centre de l’attention avec les livres d’André Guyaux, puis de Sergio Sacchi, et les analyses que je leur consacre dans L’Art de Rimbaud. André Guyaux y voit – ceci dit grossièrement – une suite de fragments, alors que mon point de vue est qu’il s’agit d’un recueil (inabouti) de poèmes en prose ; cette divergence a sans doute été constatée, mais elle n’a donné lieu à aucun débat. Quoi qu’il en soit l’approche générique semble atteindre ses limites, de même que l’autotextualité sur laquelle Steve Murphy avait attiré l’attention ; mais nous sommes encore loin de comprendre cette œuvre extraordinaire.

5. Dictionnaires
La mise en chantier de dictionnaires Rimbaud signifie-t-elle que la recherche n’a plus grand chose à apporter, et que l’heure de la synthèse est venue ? On peut sans doute regretter qu’il y ait deux dictionnaires concurrents, celui de Bouquins, dirigé par Jean-Baptiste Baronian, et celui qu’Alain Vaillant prépare pour Garnier. Il y aura des doublons ; mais on pourra aussi corriger l’un par l’autre. Les dictionnaires, grâce à leur caractère systématique, permettent de combler des lacunes ; ils donnent aussi l’occasion aux meilleurs spécialistes (Guyaux, Bivort, Nakaji pour Bouquins) de faire sérieusement l’état d’une question. C’est plus qu’utile, et il est bon  – me suis-je toujours dit – que d’autres s’en chargent.


6. Un mot suffit pour conclure : « Départ dans l’affection et le bruit neufs ! »

samedi 18 mars 2017

Retour de colloque (Samedi 1H 48). Mis à jour le 19 mars.


Jacques Bienvenu (debout), Andrea Schellino, Romain Jalabert, Michel Murat.
 Photo JB. B.

J’arrive à l’instant à Marseille après un trajet plus long que prévu. J’ai passé à Paris deux jours larges comme disait Flaubert. Je tiens à dire tout de suite que ce colloque est une complète réussite et qu’il marque le renouveau de la critique rimbaldienne. Je donnerai dimanche soir un compte rendu et d’autres images.

Mise à jour du 19 mars : Le compte rendu que je désire soigné ne pourra être publié ce jour mais prochainement.

mercredi 1 mars 2017

Colloque "Les Saisons de Rimbaud" - 16-17 mars 2017 (mis à jour le 10 mars)

Voici le programme complet du colloque. Ma communication : Philippe Burty, témoin mal connu de Rimbaud aura lieu le jeudi 16 mars à 12H.


Il faut préciser à ce programme : jeudi 16 mars 12H30 et 18H : débat et pause et vendredi 17 mars 12H 30 : débat et pause.

André Guyaux, qui est l'un des quatre organisateurs du colloque, sera au musée de l'Ardenne à charleville le 20 mars à 18H 30 avec l'équipe du journal Le Monde qui a réalisé le le numéro Hors-Série historique du Monde dont nous avons parlé recemment.